« Je suis à ma place dans le monde »
Né en 1954 à Buenos Aires, Ricardo Cavallo s'installe en France en 1976.
Parisien d'abord, puis breton d'adoption, depuis dix ans il réalise une œuvre picturale et monumentale, peinte par fragments sur site, puis assemblée à l'atelier.
Il aurait pu accomplir son travail dans plusieurs endroits du monde. Pas partout, mais il aurait pu atterrir ailleurs. C'est comme si la marée l'avait déposé là, à Saint-Jean-du-Doigt, petit village côtier près de Morlaix, là où la côte nord de la Bretagne est si découpée.
« Je suis à ma place dans le monde » dit Cavallo.
Ricardo Cavallo a 25 printemps dans sa tête. Ses cheveux blancs ne sont en désaccord qu'avec son enthousiasme. Son énergie de jeune homme est à l'image de la couleur dans ses peintures : débordante. Dans son village d'adoption il vit au rythme des marées et des « fenêtres de peinture » que la météo ouvre ou referme. Avec son « barda » de peintre sur le motif, il arpente les côtes et les déserts de rochers laissés subitement à l'air par une mer qui s'en est allée voir ailleurs.
Et là c'est Tintin sur la lune. Chaque morceau du puzzle qu'il va patiemment glaner à chaque marée, va constituer une œuvre. Lui qui porte dans son nom et dans sa vie les stigmates des « découvertes » du nouveau monde, il rend la pareil à l'ancien monde en nous re-découvrant nos rochers.
Cavallo ne sait pas pourquoi il peint, pas plus que nous ne savons pourquoi son travail nous fascine. Il produit une œuvre singulière et extrêmement puissante, totalement inclassable, plongeant le spectateur dans une expérience physico sensorielle unique, allant des « Nymphéas » de Monet, aux grands « Zip » de Barnett Newman en passant par les paysages fragmentés de David Hockney.
Nous sommes en présence d'une peinture qui « rapte ». Elle ne capte pas seulement le regard, elle nous incite à plonger tout entier dans un bain de couleurs, de formes, d'écritures picturales, de lumières changeantes. C'est de la peinture plongeante, comme le « Big Splash » de David Hockney qui partage cette « manière » d'assembler des bouts de paysages pour en faire une image.
Parce que oui, il s'agit bien d'un tableau qui nous parle de la petitesse de l'homme dans le monde, de sa solitude. Mais une solitude enthousiaste ; la grande jouissance d'avoir trouvé sa place dans le vaste monde, hors du temps, hors des modes.
Voilà pourquoi cette œuvre est forte, captivante et intemporelle.
Voilà pourquoi elle pourrait être moins méconnue.
Loïc Bodin
Directeur artistique des Ailes de Caïus
Janvier 2017
Sur l'exposition :
Ricardo Cavallo né en 1954 à Buenos Aires et installé depuis 1976 en France, réalise depuis plus de dix ans un œuvre monumentale au pied des falaises de la baie de Morlaix.
Ricardo Cavallo se confronte en permanence au motif dans son travail, en extérieur sur les plages, dans les rochers ou sur les hauteurs de Morlaix. Il peint directement sur le motif sur des petits panneaux de bois prédécoupés à la même dimension, explorant ainsi le paysage par facette. Le travail proposé par l'artiste à la Galerie Net Plus a été réalisé entre 2003 et 2015.
Ce sont des peintures faites sur plusieurs mois chacune, voire sur des années (4 ans pour certaines et plus encore pour « Pierre de feu », commencé en 2004 et terminé en 2015).
Le thème des rochers s'est imposé à l'artiste en découvrant la nature de pierre que constitue le soubassement de Saint-Jean-du-Doigt. La pierre étant le Gabbro.
Un jardin de pierre qui se découvre lors que la marée se retire et ajoute un charme supplémentaire à la beauté du paysage.